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soigneusement les plus gros os des cuisses et des bras pour en faire diverses sortes de flûtes, et toutes les dents, qu’ils attachent en forme de chapelet pour se les suspendre au cou. Ceux qui ont fait plusieurs prisonniers, croyant leur gloire bien établie, se font inciser dès le même jour la poitrine, les bras, les cuisses, le gras des jambes, et d’autres parties du corps, pour éterniser la mémoire de leurs exploits. Léry prit soin de faire dessiner la figure d’un Brasilien avec toutes ces marques d’honneur. Enfin, s’il arrive que les captifs aient eu quelque enfant des femmes qui ont pris soin de les engraisser, ces malheureux fruits sont dévorés, soit en naissant, soit après avoir acquis un peu plus de force.

« Ils nous présentaient souvent, dit Léry, de la chair humaine pour en manger ; et le refus que nous en faisions les chagrinait, comme si nous leur eussions donné sujet de se méfier de notre alliance ; sur quoi je dois rapporter, à mon grand regret, que quelques interprètes normands, qui avaient passé huit ou neuf ans dans ce pays, y menant une vie d’athées, non-seulement se souillaient de toutes sortes de désordres avec les femmes, mais se vantaient d’avoir tué et mangé des prisonniers. Un jour que j’étais avec quatre ou cinq Français dans un village de la grande île, où l’on retenait dans les fers un jeune homme que nos sauvages avaient enlevé sur quelques Européens, nous trouvâmes occasion de nous approcher de lui.