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» On se trouva, le 3 février, à de la ligne, c’est-à-dire que depuis près de sept semaines on n’avait pas fait la troisième partie de la route. Comme les vivres diminuaient beaucoup, on proposa de relâcher au cap de Saint-Roch, où quelques vieux matelots assuraient qu’on pourrait se procurer des rafraîchissemens ; mais la plupart se déclarèrent pour le parti de manger les perroquets et d’autres oiseaux qu’on apportait en grand nombre, et cet avis prévalut.

» Nos malheurs commencèrent par une querelle entre le contre-maître et le pilote, qui pour se chagriner mutuellement, affectaient de négliger leurs fonctions. Le 26 mars, tandis que le pilote faisant son quart, c’est-à-dire conduisant trois heures, tenait toutes les voiles hautes et déployées, un impétueux tourbillon frappa si rudement le vaisseau, qu’il le renversa sur le côté, jusqu’à faire plonger les hunes et le haut des mâts. Les câbles, les cages d’oiseaux, et tous les coffres qui n’étaient pas bien amarrés, furent renversés dans les flots, et peu s’en fallut que le dessus du bâtiment ne prit la place du dessous. Cependant la diligence qui fut apportée à couper les cordages servit à le redresser par degrés. Le danger quoique extrême, eut si peu d’effet pour la réconciliation des deux ennemis, qu’au moment qu’il fut passé, et malgré les efforts qu’on fit pour les apaiser, ils se jetèrent l’un sur l’autre, et se battirent avec une mortelle fureur.