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Les habitans de Panama sont infatués à l’excès de deux singularités dont ils font honneur à la nature. C’est une opinion générale dans la ville que les campagnes voisines produisent une espèce de serpent qui a deux têtes, une à chaque extrémité du corps, et que son venin n’est pas moins dangereux d’un côté que de l’autre. Il ne fut pas possible aux mathématiciens des deux couronnes, pendant leur séjour à Panama, de voir un de ces merveilleux animaux ; mais, suivant la description qu’on leur en fit, ils ont environ deux pieds de long, le corps rond comme un ver, de six à huit lignes de diamètre, et les deux têtes de la même grosseur que le corps, sans aucune apparence de jointure. Ulloa est beaucoup plus porté à croire qu’ils n’en ont qu’une, et que tout le corps étant d’une grosseur égale, ce qui paraît assez singulier, les habitans ont conclu qu’ils avaient deux têtes, parce qu’il n’est pas aisé de distinguer la partie qui en mérite réellement le nom. Ils ajoutent que ce serpent est fort lent à se mouvoir, et qu’il est de couleur grise mêlée de taches blanchâtres.

Ils vantent beaucoup une herbe qu’ils appellent herbe de coq, et dont ils prétendent que l’application est capable de guérir sur-le-champ un poulet à qui l’on aurait coupé la tête en respectant une seule vertèbre du cou. Les mathématiciens sollicitèrent en vain ceux qui faisaient ce récit de leur montrer l’herbe ; ils ne purent l’obtenir, quoiqu’on leur assurât qu’elle était