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sition d’un corps étranger qui en rompe le fil, et de profiter de cet instant pour prendre une autre route. »

Toutes ces circonstances semblent fabuleuses ; mais Ulloa juge que ce qui paraît extrêmement fabuleux sous un point de vue devient fort naturel sous un autre. « On ne peut, dit-il, nier absolument que l’haleine du serpent n’ait la vertu de causer une sorte d’ivresse à quelque distance, puisqu’il est certain que l’urine du renard produit cet effet, et que très-souvent les bâillemens des baleines ont tant de puanteur qu’on ne peut les supporter. Il n’y a donc aucune difficulté à croire que cette haleine a quelque chose de la propriété qu’on lui attribue, et que le serpent supplée par cette vertu à la lenteur de son corps, pour se procurer des alimens. Les animaux frappés d’une odeur si forte peuvent bien perdre le pouvoir de fuir ou de continuer leur chemin : ils sont étourdis, ils perdent l’usage des sens, ils tombent : et la couleuvre, par son mouvement tardif, qui ne laisse pas d’augmenter la force de la vapeur, s’approche jusqu’à les saisir et les dévorer. À l’égard du préservatif qu’on fait consister à couper le fil de l’haleine, c’est une vaine imagination à laquelle on ne peut ajouter foi sans ignorer la nature et la propagation des odeurs. Les circonstances de cette espèce sont des inventions du pays, qui en imposent doutant plus, que personne, pour satisfaire sa curiosité, ne veut s’exposer au danger de l’examen. »