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une méthode si prompte ; mais Lacenta, voyant sortir le sang avec violence, jugea que j’avais blessé sa femme, et devint si furieux, qu’il prit sa lance pour m’en frapper. Cependant la tranquillité avec laquelle je reçus ses menaces, en lui offrant ma vie pour caution du succès, me fit obtenir la liberté de finir. Je tirai à la malade environ douze onces de sang, et la fièvre la quitta dès le lendemain. Un événement si nouveau pour les Américains m’attira d’eux toutes sortes d’honneurs. Le cacique parut à leur tête, se baissa devant moi, et me baisa la main avant que je pusse l’empêcher. Tous les autres m’embrassèrent les genoux, et me mirent ensuite dans un hamac, où ils me portèrent comme en triomphe sur leurs épaules.

« Ma faveur n’ayant fait qu’augmenter par les services que je continuai de leur rendre, Lacenta me menait souvent à la chasse, qui était une de ses plus fortes passions. Je l’accompagnai une fois vers ses états du sud, et nous passâmes près d’une rivière d’où les Espagnols tirent de l’or. Je la pris pour une de celles qui viennent du sud-est, et qui vont se décharger dans le golfe de Saint-Michel. Nous aperçûmes quelques Espagnols qui travaillaient, et, nous étant glissés aussitôt dans un bois voisin, la curiosité nous fit observer de quelle manière ils tirent l’or. Ils ont de petites gamelles qu’ils enfoncent dans l’eau, et qu’ils retirent pleines d’eau et de sable. Ils secouent la gamelle, le sable s’élève de lui-même au-dessus de l’eau,