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saison plus commode, en nous représentant que celle des pluies avait rompu les chemins ; et nous éprouvâmes avec joie que ces peuples savent observer les lois de l’hospitalité. Un incident fort simple augmenta la bonne opinion qu’ils avaient conçue de nous, sur le témoignage de nos guides, et me mit tout d’un coup dans une haute réputation. Une des femmes du cacique avait la fièvre, et devait être saignée : cette opération est fort singulière parmi les habitans de l’isthme ; elle se fait en public. Le malade se tient assis sur une pierre, tout nu, devant un homme armé d’un fort petit arc, qui lui tire sur toutes les parties du corps de très-petites flèches avec une promptitude surprenante. Les flèches sont arrêtées par un petit cercle de fil qui les empêche de pénétrer trop. On les retire ensuite avec la même vitesse. Si, par hasard, elles ont percé quelque veine, et que le sang paraisse sortir goutte à goutte, les spectateurs applaudissent à l’habileté du chirurgien, et marquent leur joie par des sauts et par des cris. Les ridicules apprêts que je vis faire pour saigner la femme du cacique me portèrent à lui offrir mes services. Il parut curieux d’apprendre comment la saignée se faisait en Europe. Je tirai de ma poche une boîte d’instrumens, seul bien que mon nègre ne m’avait point enlevé ; je fis une bande d’écorce d’arbre dont je liai le bras de la femme, et je lui ouvris la veine avec ma lancette. Je m’attendais à des félicitations sur