Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 15.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraissaient pas. Notre perte nous parut certaine ; car neuf jours s’étant écoulés sans qu’ils entendissent parler des guides, ils ne doutèrent point que nos compagnons ne les eussent assassinés, et le bûcher fut préparé pour le jour suivant. Ils devaient l’allumer après le coucher du soleil, et nous y jeter aussitôt. Heureusement leur chef, nommé Lacenta, fut informé de leur résolution, et les détourna de cette cruauté. Il leur conseilla de nous faire descendre vers la côte avec deux Américains qui s’informeraient du sort des autres. Cet avis fut approuvé. On nous accorda deux hommes, avec lesquels nous nous mîmes joyeusement en chemin, parce que nous étions persuadés que nos compagnons n’avaient fait aucun mal à leurs guides.

» Pendant trois jours nous ne fîmes que traverser des marais bourbeux avec une pluie continuelle. Il fallut passer les deux premières nuits sous des arbres, dont chaque feuille était un ruisseau qui coulait sur nous ; et la troisième, sur une petite montagne, que la grande quantité d’eau dont nous nous vîmes environnés le lendemain nous fit prendre pour une île. Nos provisions de vivres, qui n’étaient qu’une poignée de maïs, furent consommées dès le troisième jour. Alors les deux Américains, aussi pressés que nous par la faim, prirent le parti de nous abandonner.

» Nous demeurâmes dans un mortel embarras. La pluie cessa le jour suivant, et les eaux n’ayant pas tardé à s’écouler, nous marchâmes