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meurs, dont la fonction avait cessé, n’eurent d’autre occupation que d’aller chercher fort loin de l’eau saumâtre, en s’enfonçant dans la vase jusqu’à la ceinture. Enfin, aux grandes marées de la nouvelle lune suivante, la barre même le remit à flot, mais avec un nouveau danger ; car elle enleva le canot, et le fit labourer dans la vase avec plus de rapidité que l’académicien n’en avait éprouvé au Pongo.

Après deux mois de navigation par mer et par terre, comme La Condamine croit pouvoir la nommer sans exagération (parce que la côte est si plate entre le cap de Nord et la côte de Cayenne, que le gouvernail ne cessait pas de sillonner dans la vase), il toucha, le 26 février, au rivage de Cayenne.

La Condamine eut la curiosité d’essayer à Cayenne si le venin des flèches empoisonnées qu’il gardait depuis plus d’un an conservait encore son activité, et si le sucre était un contre-poison aussi efficace qu’on l’en avait assuré. Ces deux expériences furent faites sous les yeux de d’Orvilliers, commandant de la colonie, de plusieurs officiers de la garnison, et du médecin du roi. Une poule légèrement blessée par une petite flèche dont la pointe était enduite de venin depuis treize mois, et qui lui fut soufflée avec une sarbacane, vécut un demi-quart d’heure. Une autre, piquée dans l’aile avec une des mêmes flèches nouvellement trempée dans le venin délayé avec de l’eau, et retirée sur-le-champ de la plaie, parut