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Dampier et quelques autres de leurs compagnons, qu’il valait mieux repasser l’isthme au travers de mille dangers que de demeurer sous la conduite d’un chef auquel ils n’avaient pas reconnu plus de capacité que de courage. Après quelques jours de marche, un accident fâcheux fut pour lui le prélude de beaucoup d’infortunes ; mais on regretterait de ne les pas lire dans le récit même du voyageur.

« C’était, dit-il, le 5 mai 1687 : j’étais assis sur la terre, près d’un de nos Anglais, qui faisait sécher de la poudre à canon sur une assiette d’argent. Il s’entendait si mal à manier la poudre, que le feu y prit, et me brûla le genou jusqu’à découvrir l’os. J’y appliquai aussitôt des remèdes ; et, ne voulant pas demeurer derrière mes compagnons, je les suivis pendant deux jours avec de vives douleurs. Mais nos esclaves s’enfuirent après nous avoir volés ; et le nègre qui me servait ayant emporté mes drogues avec mes bardes, je me vis privé des secours nécessaires à ma plaie. Mon mal augmenta, et me mit bientôt dans l’impuissance de suivre les autres. Nous avions déjà perdu deux de nos compagnons, Robert Spratlin et Guillaume Bowman, qui nous avaient quittés. Toute la compagnie était si fatiguée, que, pour s’encourager les uns les autres, on régla que ceux qui ne pourraient continuer la route seraient tués sans pitié, dans la crainte que, s’ils tombaient entre les mains des Espagnols, on ne leur arrachât par des supplices le secret de notre