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et de richesses. Il n’avait pas été facile de faire cesser ce danger sous le règne de Charles-Quint, parce que toutes les côtes de l’Amérique n’étaient pas encore assez connues pour permettre à ce prince de changer la route ordinaire de ses galions, non plus que le lieu dans lequel ils s’assemblaient pour retourner en Espagne. Philippe ii ne vit pas d’autre remède à des maux presque inévitables que d’imposer aux capitaines de ses flottes la loi de ne pas se séparer dans leur navigation ; mais un ordre seul ne suffisait pas pour les garantir. Il était presque impossible que, pendant un voyage de mille lieues, plusieurs vaisseaux fussent toujours si serrés, qu’il ne s’en écartât pas un, et tel corsaire suivait les galions depuis la Havane jusqu’à San-Lucar pour enlever sa proie. Aussi Philippe iii jugea-t-il cet expédient trop incertain. Il voulut qu’on trouvât le moyen de dérober la route de ses galions ; et de toutes les ouvertures qui lui furent proposées, il n’en trouva point de plus propre à donner le change aux armateurs que d’ouvrir la navigation sur la rivière des Amazones, depuis son embouchure jusqu’à sa source. En effet, les plus grands vaisseaux pouvant demeurer à l’ancre sous la forteresse du Para, on y aurait pu faire venir toutes les richesses du Pérou, de la Nouvelle-Grenade, de Tierra-Firme, et même du Chili. Quito aurait pu servir d’entrepôt, et Para de rendez-vous pour la flotte du Brésil, qui, se joignant aux galions pour le retour en Europe, aurait effrayé les