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servirent de chevet, le manteau de Bouguer, de matelas et de couverture ; une cape de taffetas usée, dont La Condamine s’était heureusement pourvu, devint un pavillon soutenu sur leurs couteaux de chasse, et leur fournit un abri contre le verglas qui tomba toute la nuit. Au jour, ils se trouvèrent enveloppés d’un brouillard si épais, qu’ils se perdirent en cherchant leurs mules : Bouguer ne put même rejoindre la sienne. À peine, à dix heures et demie, le temps était-il assez clair pour voir à se conduire. Dans la station du Contour-Palti, sur le Chimboraço, ils eurent à redouter les éboulemens des grosses masses de neige, incorporées et durcies avec le sable, qu’ils avaient prises d’abord pour des bancs de rochers ; elles se détachaient du sommet de la montagne, et se précipitaient dans ces profondes crevasses entre lesquelles leur tente était placée ; ils étaient souvent réveillés par ce bruit, que les échos redoublaient, et qui semblait encore s’accroître dans le silence de la nuit. Au Choujai, où ils passèrent quarante jours, La Condamine, logé dans la tente même qui servait de signal, avait pendant la nuit le terrible spectacle du volcan de Sangaï : tout un côté de la montagne paraissait en feu comme la bouche même du volcan ; il en découlait un torrent de soufre et de bitume enflammé, qui s’est creusé un lit au milieu de la neige dont le foyer ardent du sommet est sans cesse couronné ; le torrent porte ses flots dans la rivière d’Upano, où il