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les piquets, nous n’eûmes pas d’autre ressource que de quitter ce poste et de nous retirer à l’abri d’une ravine. Les deux compagnies, se trouvant alors dans le même désert, eurent également à souffrir ; elles furent abandonnées toutes deux par leurs Américains, qui ne purent résister au froid ni au travail, et par conséquent obligées de faire elles-mêmes les corvées jusqu’à l’arrivée d’un autre secours.

» Notre vie sur les sommets glacés de Pambamarca et de Pichincha fut comme le noviciat de celle que nous menâmes depuis le commencement d’août 1737 jusqu’à la fin de juillet 1739. Pendant ces deux ans, ma compagnie habita sur trente-cinq sommets différens, et l’autre sur trente-deux, sans autre soulagement que celui de l’habitude ; car nos corps s’endurcirent enfin, ou se familiarisèrent avec ces climats comme avec la grossièreté des alimens. Nous nous fîmes aussi à cette profonde solitude, aussi-bien qu’à la diversité de température que nous éprouvions en passant d’une montagne à l’autre. Autant le froid était vif sur les hauteurs, autant la chaleur nous semblait excessive dans les vallons qu’il fallait traverser ; enfin l’habitude nous rendit insensibles au péril où nous nous exposions en grimpant dans des lieux fort escarpés. Cependant il y eut des occasions où nous aurions perdu toute patience et renoncé à l’entreprise, si l’honneur n’avait soutenu notre courage. »

Toute la suite des triangles étant terminée