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sur le charbon, sans quoi les alimens étaient gelés aussitôt. D’abord nous avions bu des liqueurs fortes, dans l’idée qu’elles pourraient un peu nous réchauffer ; mais elles devenaient si faibles, qu’en les buvant nous ne leur trouvions pas plus de force qu’à l’eau commune ; et, craignant d’ailleurs que leur fréquent usage ne nuisît à notre santé, nous prîmes le parti d’en boire fort peu : elles furent employées à régaler nos Américains, pour les encourager au travail. Ils étaient cinq : outre leur salaire journalier, qui était quatre fois plus fort que celui qu’ils gagnaient ordinairement, nous leur abandonnions la plupart des vivres qui nous venaient de Quito ; mais cette augmentation de paie et de nourriture n’était pas capable de les retenir long-temps près de nous. Lorsqu’ils avaient commencé à sentir la rigueur du climat, ils ne pensaient plus qu’à déserter.

» Il nous arriva dès les premiers jours une aventure de cette espèce, qui aurait eu des suites fâcheuses, si nous n’eussions été avertis de leur évasion. Comme ils ne pouvaient être baraqués dans un lieu d’aussi peu d’étendue que la pointe de notre rocher, et qu’ils n’y avaient d’autre abri pendant le jour qu’une canonnière, ils descendaient le soir, à quelque distance au-dessous, dans une sorte de caverne où le froid était beaucoup moins vif, sans compter qu’ils avaient la liberté d’y faire grand feu. Avant de se retirer, ils fermaient en dehors la porte de notre cabane, qui était si basse, qu’on