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les, pour décharger notre toit de la neige qui s’y entassait. Ce n’est pas que nous n’eussions des valets et des Américains qui auraient pu nous rendre ce service ; mais, n’étant pas aisé de les faire sortir de leur canonnière, espèce de petite tente, où le froid les retenait blottis pour se chauffer continuellement au feu qu’ils ne manquaient pas d’y entretenir, il fallait partager avec eux une corvée qui les contrariait.

» On peut juger quel devait être l’état de nos corps dans cette situation. Nos pieds étaient enflés et si sensibles, qu’ils ne pouvaient ni supporter la chaleur du feu, ni presque agir sans une vive douleur. Nos mains étaient chargées d’engelures, et nos lèvres si gercées, qu’elles saignaient du seul mouvement que nous leur faisions faire pour parler ou pour manger. Si l’envie de rire nous prenait un peu, nous ne pouvions leur donner l’extension nécessaire à cet effet sans qu’elles se fendissent encore plus, et qu’elles nous causassent un surcroît de douleur, qui durait un jour ou deux. Notre nourriture la plus ordinaire était un peu de riz, avec lequel nous faisions cuire un morceau de viande ou de la volaille qui nous venait de Quito. Au lieu d’eau nous nous servions de neige, ou d’un morceau de glace que nous jetions dans la marmite ; car nous n’avions aucune sorte d’eau qui ne fût gelée. Pour boire, nous faisions fondre de la neige. Pendant que nous étions à manger, il fallait tenir l’assiette