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ils paraissaient comme une vaste mer, au milieu de laquelle notre rocher s’élevait comme une île. Nous entendions le bruit des orages qui crevaient sur la ville de Quito, ou sur les lieux voisins ; nous voyions partir la foudre et les éclairs au-dessous de nous ; et pendant que des torrens inondaient tout le pays d’alentour, nous jouissions d’une paisible sérénité. Alors le vent ne se faisait presque point sentir ; le ciel était clair, et le soleil, dont les rayons n’étaient plus interceptés, tempérait la froideur de l’air. Mais aussi nous éprouvions le contraire lorsque les nuages étaient élevés : leur épaisseur nous rendait la respiration difficile ; la neige et la grêle tombaient à flocons ; la violence des vents nous faisait appréhender à chaque moment de nous voir enlevés avec notre habitation et jetés dans quelque abîme, ou de nous trouver bientôt ensevelis sous les glaces et les neiges qui, s’accumulant sur le toit, pouvaient crouler avec lui sur nos têtes. La force des vents était telle, que la vitesse avec laquelle ils faisaient courir les nuées éblouissait les yeux. Le craquement des rochers qui se détachaient et qui ébranlaient, en tombant, la pointe où nous étions, augmentait encore nos craintes. Il était d’autant plus effrayant, que jamais on n’entendait d’autre bruit dans ce désert ; aussi n’y avait-il point de sommeil qui put y résister pendant les nuits.

» Lorsque le temps était plus tranquille, et que les nuages, s’étant portés sur d’autres montagnes où nous avions des signaux posés, nous