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espèce de licou, que j’allongeai avec mon mouchoir. C’est ainsi que je passai la nuit, tout le corps mouillé, et les pieds dans la neige fondue ; en vain je les agitai pour leur procurer quelque chaleur par le mouvement ; vers les quatre heures du matin, je ne les sentis absolument plus ; je crus les avoir gelés, et je suis encore persuadé que je n’aurais pas échappé à ce danger, difficile à prévoir sur un volcan, si je ne m’étais avisé d’un expédient qui me réussit ; je les réchauffai par un bain naturel, que je laisse à deviner.

» Le froid augmenta vers la pointe du jour ; à la première lueur du crépuscule, je crus ma mule pétrifiée ; elle était immobile. Un caparaçon de neige, frangé de verglas, couvrait la selle et le harnais. Mon chapeau et mon manteau étaient enduits du même vernis, et raides de glace. Je me mis en mouvement, mais je ne pouvais qu’aller et revenir sur mes pas, en attendant le grand jour, que le brouillard retardait. Enfin, sur les sept heures, je descendis à la ferme, hérissé de frimas. L’économe était absent. Sa femme, effrayée à ma vue, prit la fuite : je ne pus atteindre que deux vieilles Américaines, qui n’avaient pas eu la force de courir assez vite pour m’échapper. Je leur faisais allumer du feu, lorsque je vis entrer un de mes gens, aussi sec que j’étais mouillé. Son camarade et lui, voyant croître le brouillard, lorsque je les eus quittés, avaient fait halte et s’étaient mis à couvert, avec mes provisions,