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pas. Mon impatience était égale à ma lassitude. Je jugeais que le jour ne pouvait être éloigné, lorsque ma montre m’apprit qu’il n’était que minuit, et qu’il n’y avait que trois heures que ma situation durait ; il en restait six jusqu’au jour. Une clarté qui ne dura qu’un moment me rendit l’espérance : je me tirai du bois, et j’entrevis le sommet d’une croupe avancée de la montagne, sur lequel est une croix qui se voit de toutes les parties de Quito. Je jugeai que de là il me serait facile de m’orienter, et j’y dirigeai ma route. Malgré le brouillard qui redoublait, j’étais guidé par la pente du terrain. Le sol était couvert de hautes herbes : elles m’atteignaient presque à la ceinture, et mouillaient la seule partie de mes habits qui eût échappé à la pluie. Je me trouvais à peu près à cette hauteur où il cesse de neiger, et où il commence à pleuvoir ; ce qui tombait, sans être ni pluie ni neige, était aussi pénétrant que l’une, et aussi froid que l’autre. Enfin j’arrivai à la croix, dont je connaissais les environs. Je cherchai inutilement une grotte voisine, où j’aurais pu trouver un asile ; le brouillard et les ténèbres avaient augmenté depuis le coucher de la lune. Je craignais de me perdre encore, et je m’arrêtai au milieu d’un tas d’herbes foulées, qui semblaient avoir servi de gîte à quelque bête féroce. Je m’accroupis enveloppé dans mon manteau, le bras passé dans la bride de ma mule ; pour la laisser paître plus librement, je lui ôtai son mors, et je fis de ses rênes une