Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 15.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’autre bord. Nous étions loin de toute habitation : une cabane que M. Godin avait commandée depuis un an, pour y faire quelques expériences, n’était qu’à un quart de lieue de nous ; mais j’avais reconnu en passant qu’elle n’était pas encore couverte, et qu’elle ne pouvait me servir d’abri. Je n’eus d’autre parti à prendre que de revenir sur mes pas pour regagner la ferme où j’avais pris le Péruvien qui m’avait quitté. À chaque instant il me fallait descendre de cheval pour raccommoder les charges qui tournaient sans cesse. L’une n’était pas plus tôt rajustée que l’autre se dérangeait : mon valet et le jeune métis n’étaient guère plus habiles muletiers que moi. Il était déjà huit heures, et depuis la fuite de mes guides, nous n’avions pas fait l’espace d’une lieue ; il nous en restait au moins autant. Je pris les devans pour aller chercher du secours.

» Il faisait un fort beau clair de lune, et je reconnaissais le terrain ; mais à peine étais-je à moitié chemin de la ferme, que je me vis tout d’un coup enveloppé d’un brouillard si épais, que je me perdis absolument. Je me trouvai engagé dans un bois taillis, bordé d’un fossé profond, et j’errais dans ce labyrinthe, sans en retrouver l’issue. J’étais descendu de ma mule pour tâcher de voir où je posais le pied. Mes souliers et mes bottines furent bientôt pénétrés d’eau, aussi-bien qu’une longue cape espagnole d’un drap du pays, dont le poids était accablant. Je glissais et je tombais à chaque