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pour se cramponner : elles joignent de même les pieds de derrière, les avançant un peu aussi, comme si leur dessein était de s’accroupir. Dans cette posture elles commencent à faire quelques pas pour éprouver le chemin ; ensuite, sans changer de situation, elles se laissent glisser avec une vitesse étonnante. L’attention du cavalier doit être de se tenir ferme sur sa selle, parce que le moindre mouvement qui ferait perdre l’équilibre à sa monture ne manquerait point de les précipiter tous deux. D’ailleurs, pour peu qu’elle s’écartât du sentier, elle tomberait infailliblement dans quelque abîme. Ulloa ne se lasse point d’admirer l’adresse de ces animaux. On s’imaginerait, dit-il, qu’ils ont reconnu et mesuré les passages. Sans un instinct si puissant, il serait impossible aux hommes de passer par des routes où les brutes leur servent de guides.

« Mais quoique l’habitude les ait formées à ce dangereux manége, elles ne laissent point de marquer une espèce de crainte ou de saisissement. En arrivant à l’entrée des descentes, elles s’arrêtent sans qu’on ait besoin de tirer la bride : rien n’est capable de les faire avancer sans avoir pris leurs précautions. D’abord on les voit trembler ; elles examinent le chemin aussi loin que leur vue peut s’étendre ; elles s’ébrouent, comme pour avertir le cavalier du péril ; et, s’il n’a pas déjà passé par ce même lieu, ces pressentimens ne lui causent pas peu d’effroi. Alors les Américains pren-