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aux mules le moyen d’affermir leurs pieds. Ce travail se renouvelle chaque fois qu’il passe d’autres mules, parce que, dans l’espace d’une nuit, la pluie ruine l’ouvrage du jour précédent. Encore se consolerait-on de recevoir de fréquentes meurtrissures, et d’être crotté ou mouillé, si l’on n’avait sous les yeux des précipices et des abîmes dont la vue fait frémir. » Enfin Ulloa assure, sans exagération, que le plus brave n’y peut marcher qu’avec un frisson de crainte, surtout s’il conserve assez de liberté d’esprit pour songer à la faiblesse de l’animal qui le porte.

La manière dont on descend de ces lieux terribles ne cause pas moins d’épouvante. Il ne faut point oublier que, dans les endroits où la pente est si raide, les pluies font ébouler la terre et détruisent les camellons. D’un côté, on a sous les yeux des coteaux escarpés, et de l’autre des abîmes, dont la vue seule glace les veines. Comme le chemin suit la direction des montagnes, il faut nécessairement qu’il se conforme à leurs irrégularités ; de sorte qu’au lieu d’aller droit, on ne parcourt pas cent toises sans être obligé de faire deux ou trois détours. C’est particulièrement dans ces sinuosités que les camellons sont bientôt détruits. La nature apprend aux mules à s’y préparer. Dès qu’elles sont aux lieux où commence la descente, elles s’arrêtent, et joignent leurs pieds de devant l’un contre l’autre, en les avançant un peu sur une ligne égale, comme