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se meurtrit les jambes contre les troncs, et la tête contre les branches. Quelquefois les mules et les cavaliers s’embarrassent dans les béjuques, espèce de liane ou d’osier qui traverse d’un arbre à l’autre. Ils tombent, et ne peuvent se débarrasser sans secours.

Le 16, à six heures du matin, le thermomètre marquait 1016 ; aussi commença-t-on à respirer un air plus frais. On se remit en chemin à huit heures, et l’on passa vers midi dans un lieu nommé Mama Rumi. C’est la plus belle cascade que l’imagination puisse se représenter. L’eau y tombe d’environ cinquante toises de haut d’un rocher taillé à pic, et bordé d’arbres extrêmement touffus. La nappe de sa chute forme par sa blancheur et sa clarté un spectacle auquel Ulloa n’avait rien vu d’égal. Elle se rassemble sur un fond de roche, d’où elle sort pour continuer son cours dans un lit un peu incliné, sur lequel passe le grand chemin. Cette belle cascade est nommée Paccha par les Américains, et Chorréra par les Espagnols. Les mathématiciens, continuant de marcher, passèrent deux fois la rivière sur des ponts aussi dangereux que les gués, et vers deux heures après midi ils arrivèrent à Tarrigagua. Une grande maison de bois, construite exprès pour les loger, servit à les délasser d’une journée très-fatigante. Le chemin ne leur avait offert d’un côté que d’horribles précipices ; et, de l’autre, il était si étroit, que, les cavaliers et les montures n’ayant pas cessé de