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troduire dans toutes les provinces conquises. Garcilasso lui reproche d’être pauvre. Elle n’a souvent qu’un seul terme pour exprimer différentes choses, et manque de plusieurs lettres des alphabets latin et castillan. Elle a trois sortes de prononciation, qui servent à varier la signification des mots ; une des lèvres, une du palais seul, et la troisième du gosier.

Cette langue avait été cultivée par les poëtes et les philosophes du pays. Les premiers se nommaient avaracs, et les seconds amantas. On nous a conservé deux exemples de la poésie péruvienne : l’une qui n’est qu’une chanson galante, et qui signifie : Mon chant vous endormira, et je viendrai vous surprendre pendant la nuit ; l’autre, qu’on peut regarder comme un cantique religieux, parce qu’il contient un point de la mythologie du Pérou. C’était une ancienne opinion qu’une jeune fille de la famille du soleil avait été placée dans la haute région de l’air avec un vase plein d’eau, pour en répandre sur la terre lorsqu’elle en avait besoin ; que son frère frappait quelquefois le vase d’un grand coup, et que de là venaient le tonnerre et les éclairs. Cette espèce d’hymne signifie : « Belle nymphe, votre frère vient de frapper votre urne, et son coup fait partir le tonnerre et les éclairs. Mais vous, nymphe royale, vous nous donnez vos belles eaux par des pluies ; et dans certaines saisons vous nous donnez de la neige et de la grêle. Viracocha vous a placée, et soutient vos forces pour cet emploi. »