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le triple de ce qu’elles valent, sous prétexte qu’au Pérou la dette court grand risque en cas de mort, on peut juger combien ils les renchérissent aux Américains ; et parce que ce sont des assortimens, il faut souvent que ces malheureux se chargent de marchandises dont ils n’ont pas besoin ; car on les oblige d’acheter la portion à laquelle ils sont taxés. C’est encore un usage fort ancien, et qui n’en subsiste pas moins pour avoir été mille fois défendu, que les marchands et autres Espagnols qui voyagent prennent hardiment, et le plus souvent sans payer, ce qui se trouve de leur goût dans les cabanes des Péruviens. De là vient que ces peuples, exposés à tant de pillages, n’ont jamais rien en réserve, pas même de quoi manger. Ils ne sèment que le maïs nécessaire pour leurs familles, et cachent dans des cavernes la quantité qui leur suffit pour une année. Ils la divisent en cinquante-deux parties, pour le même nombre de semaines ; et le père et la mère, seuls possesseurs du secret, vont prendre chaque semaine leur provision pour cet espace de temps. »

Il paraît certain à Frézier que les Péruviens poussés à bout par la dureté du joug espagnol, n’aspirent qu’au moment de pouvoir le secouer. Ils font même de temps en temps quelques tentatives à Cusco, où ils composent le gros de la ville ; mais, comme il leur est défendu de porter des armes, on les apaise aisément par des menaces ou des promesses. D’ailleurs les