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conservé des restes d’idolâtrie, tels que l’ancienne coutume de porter des viandes et des liqueurs sur les tombeaux, parce que cette superstition leur rapporte beaucoup. Si les moines vont dans les campagnes faire la quête pour leur couvent, c’est une expédition vraiment militaire : ils commencent par s’emparer de ce qui leur convient ; et si le propriétaire ne lâche point de bonne grâce ce qui lui est extorqué, ils changent leur apparence de prière en injures qu’ils accompagnent de coups. » Frézier rend aux jésuites un témoignage plus honorable. « Ils savent, dit-il, l’art de se rendre maîtres des Américains ; et comme ils sont d’un bon exemple, ils se font aimer de ces peuples, et leur inspirent le goût du christianisme.

« Les curés, continue le même voyageur, ne font encore que la moitié du malheur des Péruviens. Malgré les défenses de la cour d’Espagne, ces peuples sont traités fort durement par les corrégidors ou gouverneurs, qui les font travailler pour eux et pour le commerce, sans leur fournir même des vivres. Ils font venir du Tucuman et du Chili une prodigieuse quantité de mules, et, s’attribuant un droit exclusif de les vendre, ils forcent les Péruviens de leur district de les prendre d’eux à un prix excessif. Le droit que le roi leur accorde aussi de vendre seuls, dans leur juridiction, les marchandises de l’Europe qui sont nécessaires aux Américains, leur fournit un autre moyen de vexation. Comme ils les vendent à crédit, et par conséquent pour