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à s’en défendre dans les forêts, et les attaquent même avec une intrépidité surprenante. Ils ont pour ce dangereux combat un épieu de sept à huit pieds de long, et d’un bois fort dont la pointe est durcie au feu, avec une espèce de coutelas. Le combattant tient l’épieu de la main gauche, et son coutelas de l’autre main ; il attend que le jaguar s’élance sur le bras dont il tient l’épieu, et qui est enveloppé d’une pièce d’étoffe. Quelquefois l’animal paraît sentir le péril, et demeurer comme sur ses gardes ; mais son ennemi ne craint pas de le provoquer en le touchant légèrement de l’épieu, pour trouver mieux l’occasion d’assurer son coup. Aussitôt que le fier animal se voit insulté, il saisit l’épieu d’une de ses griffes, et de l’autre pate il empoigne le bras qui tient cette arme. Il le déchirerait du premier effort, sans l’obstacle du manteau. C’est l’instant dont le nègre se hâte de profiter pour lui décharger sur la jambe un coup de coutelas qu’il tient dans la main droite, et qu’il a eu la précaution de cacher derrière soi. De ce coup il lui tranche le jarret, et lui fait abandonner le bras qu’il avait saisi. L’animal furieux se retire en arrière, sans lâcher l’épieu, et veut revenir aussitôt pour saisir le bras de son autre pate ; mais son adversaire lui décharge un second coup qui lui tranche encore un jarret, et qui le met à sa discrétion. Après avoir achevé de le tuer, il l’écorche, et revient triomphant avec sa peau, ses pates et sa tête.