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des danses, qui consistent à se mouvoir de divers côtés sans ordre ni mesure. Les femmes y mêlent d’anciennes chansons, et l’on continue à boire la chicha. Lorsqu’à force de boire et de danser, ils ont fini par s’enivrer tous, et qu’ils ne peuvent plus se soutenir sur leurs jambes, ils se couchent pêle-mêle, sans se sourcier si l’un est près de la femme de l’autre, de sa sœur, de sa fille, ou d’une parente. On oublie tous les devoirs dans ces orgies, qui durent trois ou quatre jours, jusqu’à ce que les curés viennent y mettre fin. Leur manière de pleurer les morts est de bien boire. La maison d’où part le convoi est remplie de cruches : ainsi non-seulement ceux, qui sont dans l’affliction, et leurs amis particuliers, noient leur chagrin dans la chicha, mais ils sortent dans la rue, arrêtent tous les passans de leur nation, les font entrer dans la maison du défunt, et les obligent de boire à son honneur. Cette cérémonie dure trois ou quatre jours, et quelquefois plus long-temps. Il paraît que les curés sont assez contens lorsqu’ils y voient mêler une ombre de christianisme.

Autant les Péruviens ont de passion pour la danse et l’ivrognerie, autant ont-ils d’indifférence pour le jeu : jamais ils ne marquent le moindre goût pour cet amusement ; il paraît même qu’ils ne connaissent pas d’autre jeu que le posa, c’est-à-dire cent, parce qu’il faut atteindre à ce nombre pour gagner. Le posa s’est conservé chez eux malgré la conquête. On y