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n’est capable de lui faire quitter cette posture. Qu’un voyageur s’égare, comme il arrive souvent dans le Pérou, et qu’il s’avance vers une cabane pour s’informer du chemin, le Péruvien se cache, fait répondre par sa femme qu’il n’est pas au logis, et se prive d’une réale, prix ordinaire du service qu’on lui demande, plutôt que d’interrompre son oisiveté. Si le voyageur quitte son cheval pour entrer dans la cabane, il ne lui est pas aisé d’en trouver le maître, parce que ces misérables édifices ne reçoivent de lumière que par une très-petite porte, et qu’en venant du grand jour on n’y distingue point les objets ; mais il lui serait inutile de découvrir l’Américain ; car les prières, les offres ni les promesses ne peuvent l’engager à sortir. Il en est de même de toutes les occupations qu’on leur propose, et qu’ils ont la liberté de refuser. Quant à celles qui leur sont prescrites par leurs maîtres, et pour lesquelles ils sont payés, il ne suffit par de leur dire ce qu’ils ont à faire, on est forcé d’avoir continuellement les yeux sur eux. Si l’on tourne un moment le dos, ils s’arrêtent jusqu’au retour de celui dont ils craignent la présence. La seule chose qu’ils ne refusent jamais est de prendre part aux danses et aux fêtes : mais il faut que ces divertissemens soient accompagnés du plaisir de boire, qui fait leur bonheur : c’est par-là qu’ils commencent la journée et qu’ils la finissent. Ils ne cessent de boire qu’après avoir perdu l’usage de leurs sens dans l’ivresse. La