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provinces. Dans un long discours, il leur déclara que le soleil son père l’appelait à une meilleure vie ; il les exhorta de sa part à l’observation des lois, en les assurant que le soleil ne voulait point qu’on y fît le moindre changement ; enfin il mourut pleuré de tous ses peuples, qui le regardaient non-seulement comme leur père, mais comme un être divin. Dans cette idée, ils instituèrent des sacrifices en son honneur, et son culte fit bientôt une partie de leur religion. On comptait treize incas depuis Manco jusqu’à Huascar ; mais la durée de leur règne est incertaine.

Les voyageurs récens représentent les habitans naturels de l’ancien empire du Pérou si différens aujourd’hui de ce qu’ils étaient au temps de la conquête, qu’on a peine à concilier les peintures modernes avec celles des premières relations. Les écrivains des derniers temps s’étonnent eux-mêmes de se trouver pour ainsi dire en contradiction avec les anciens : « Je ne sais que penser, dit Ulloa, en voyant les choses si changées ; d’un côté, j’aperçois des débris de monumens, des restes de superbes édifices et d’autres ouvrages magnifiques, qui signalent l’intelligence, la civilisation, l’industrie des Péruviens, et qui ne permettent pas à ma raison de douter des témoignages historiques : de l’autre, je vois une nation grossière, plongée dans les plus profondes ténèbres de l’ignorance, et peu éloignée de cette barbarie qui rend les sauvages à peu près semblables aux bêtes féro-