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pour un grave mathématicien ; il ne rapporte rien d’ailleurs dont il n’ait été témoin. « Quelque inopinés, dit-il, que soient les tremblemens du Pérou, leur approche ne laisse pas d’être annoncée par quelques avant-coureurs. Un peu auparavant, c’est-à-dire une minute avant les secousses, on entend dans l’intérieur de la terre un bruit sourd qui va d’un endroit à l’autre. Les chiens sont toujours les premiers qui pressentent un tremblement de terre, en aboyant, ou plutôt en poussant des hurlemens lugubres. Les bêtes de somme et les autres animaux qui marchent dans les rues s’arrêtent tout à coup, et, par un instinct naturel, écartent les jambes pour ne pas tomber. Mais rien n’approche de l’effroi des habitans : au premier indice, ils quittent leurs maisons, la terreur peinte sur leur visage, et courent vers les rues les plus larges pour y chercher une sûreté qu’ils ne trouvent point sous leurs toits. Leur précipitation est extrême : ils sortent dans l’état où ils se trouvent, et sans y faire réflexion ; si c’est la nuit, pendant qu’ils étaient à reposer, ils sortent en chemise, ne se couvrant pas même d’une robe ; et si, dans une consternation si générale, ce spectacle pouvait être regardé de sang-froid, tant de figures singulières feraient une scène fort comique. Qu’on se représente encore les cris des enfans, les lamentations des femmes qui invoquent toutes les puissances du ciel, celles même des hommes, et les hurlemens des