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vent changées en monceaux de ruines, et connaissant l’ancien usage des Américains, on ne se soit pas corrigé depuis trois siècles. Le plaisir d’avoir des maisons spacieuses et des appartemens commodes l’emportent, dans l’esprit des Espagnols, sur la crainte continuelle d’être écrasés par leur chute. On se rappelle qu’en 1746 un tremblement de terre fit éprouver à la capitale du Pérou un désastre encore plus affreux que celui qui renversa une partie de Lisbonne quelques années après. Lima fut presque entièrement détruite ; mais dans une contrée si opulente, un espace de trente ans est plus que suffisant pour fermer une si grande plaie.

Le pain de Lima n’est pas moins estimé pour le goût que pour la blancheur. Il n’y est pas cher. On en distingue trois sortes : le criollo, qui est fort léger ; l’autre, qu’on nomme pain à la française ; et le pain mollet. Les nègres fabriquent tous ces pains pour le compte des boulangers, et les boutiques en sont toujours bien fournies. Les boulangers sont fort riches, et une grande partie de leur bien consiste dans le nombre de leurs esclaves. Outre ceux qui leur appartiennent, ils reçoivent ceux que les maîtres veulent faire châtier pour quelque faute ; et, se chargeant de leur nourriture, ils paient encore au maître leur travail journalier en argent ou en pain. Ce châtiment est le plus grand auquel on puisse les condamner. Les galères n’en approchent point. Ils sont forcés de tra-