Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personne d’Atabaliba. Ce fut à qui le prendrait le premier, et mes Espagnols de charger sur ces poures Pérussins qui le portaient, pour le faire tomber en bas ; si branlait déjà fort la portoire, là où il était élevé ; quand voici François Pizarre lui-même qui s’approche, et vous attire Atabaliba si rudement par sa camisole, qu’il l’amène quant et quant. En cette façon se laissa prendre le poure roi Atabaliba, et se rendit sans qu’il y mourût ni fût blessé aucun Espagnol, excepté Pizarre, parce que, quand il voulut prendre le roi, il y eut un soudard qui le blessa en la main, pensant frapper un Américain.

» Fernand Pizarre ne cessa de courir tout ce jour avec la cavalerie après les fuyans ; et partout où il trouvait des Américains, il les taillait en pièces sans en épargner un seul. Quant au moine qui avait commencé le jeu, il ne cessa, tant que le carnage dura, de faire du capitaine, et d’animer les soudards, leur conseillant de ne jouer que de l’estoc, et ne s’amuser à tirer des taillades et coups fendans, de peur qu’ils ne rompissent leurs épées. Les Espagnols ayant gagné une si sanglante victoire sur cette poure et misérable gent, à si bon marché, ne firent autre chose toute la nuit que danser, ivrogner, paillarder, et mener une fête désespérée. »

Les Espagnols allèrent piller le lendemain le camp d’Atahualpa, où ils trouvèrent une quantité surprenante de vases d’or et d’argent,