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juger aux Espagnols que le prince qui les envoyait devait posséder d’immenses trésors. Ils en conclurent qu’il était alarmé du traitement qu’on avait fait aux habitans de Puna et de Tumbez, et cette conjecture était juste ; mais ils ignoraient encore que les peuples, les regardant comme fils du soleil et comme exécuteurs de ses vengeances, y mêlaient un motif de religion, et que leur but était, non d’acheter l’amitié d’une poignée d’hommes qu’ils pouvaient envelopper aisément, mais d’apaiser la colère du soleil, qu’ils adoraient et qu’ils croyaient irrité contre eux.

Pizarre n’avait pour interprète qu’un jeune Américain de Puna, qui ne savait guère ni la langue de Cusco, qui était celle de la cour, ni celle des Espagnols. Quoique baptisé sous le nom de Philippe, d’où lui vint celui de Philipillo, il était fort mal instruit des mystères de la religion. Enfin, ne sachant que le jargon de son île, où l’on doit même supposer qu’il était né dans la lie du peuple, il ne put rendre exactement le discours de l’inca ; aussi les Espagnols ne demeurèrent-ils pas fort éclaircis après son départ. Ils délibérèrent sur le jugement qu’ils devaient porter de cette démarche ; les uns jugèrent que plus les présens étaient riches, plus ils devaient inspirer de défiance, et que c’était peut-être une amorce pour les faire donner dans quelque piége ; d’autres pensèrent qu’il ne fallait pas juger si