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tout entre les parens et les amis, s’il n’arrivait rien dans un si long espace qui dût passer pour un mauvais augure. Le jour de l’assemblée, tous ceux qui la composaient, parés de leurs plus riches ornemens, conduisaient le novice à l’autel. Il se mettait à genoux avec une égale affectation de grandeur d’âme et de piété. Un prêtre qui se présentait aussitôt lui perçait le nez d’un os pointu de jaguar, ou d’un ongle d’aigle, et mettait de petites pièces d’ambre noir dans les trous. Après cette douloureuse opération, qu’il devait souffrir sans aucune marque d’impatience, le prêtre lui adressait un discours aussi ennuyeux par sa longueur que piquant par les injures dont il était rempli ; et passant des paroles aux actions, il lui faisait diverses sortes d’outrages qui aboutissaient à le dépouiller de tous ses habits. Il se retirait nu dans une salle du temple, où il s’asseyait à terre pour y passer le reste du jour en prières. Pendant ce temps-là, toute l’assemblée s’asseyait à un grand festin, auquel il n’avait aucune part ; et quoique la joie fût poussée fort loin en sa présence, c’était sans lui adresser un seul mot. À l’entrée de la nuit, tout le monde se retirait sans le regarder, sans lui dire adieu. Alors les prêtres apportaient un manteau fort grossier pour le vêtir, de la paille sur laquelle il devait coucher, et un morceau de bois fort dur pour lui servir de chevet. Ils lui donnaient de la teinture pour se frotter le corps, des poinçons pour se percer les oreilles, les bras et les jambes, un encensoir et de la