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Environ deux cents pèlerins s’assemblent tous les ans dans la ville de Nara, qui est à huit lieues de Méaco ; ils se mettent en marche au jour marqué. Le voyage qu’ils ont à faire est de soixante-quinze lieues, et les chemins qu’ils choisissent par les bois et les déserts sont si difficiles, qu’à peine en peuvent-ils faire une par jour ; d’ailleurs ils vont pieds nus, et chacun porte sa provision de riz pour tout le voyage ; à la vérité ce fardeau n’est pas considérable, parce qu’on ne mange que le matin et le soir, et qu’à chaque fois on ne prend qu’autant de riz grillé qu’il en peut tenir dans le creux de la main, avec trois verres d’eau. Les huit premiers jours on n’en trouve pas une goutte, et chacun doit porter sa provision pour ce temps ; mais comme elle manque, ou qu’elle s’altère bientôt, plusieurs en tombent malades. Lorsqu’ils ne peuvent plus marcher, on les abandonne sans pitié, et la plupart périssent misérablement.

À huit lieues de Nara, on commence à monter, mais il faut prendre des guides. Certains bonzes, nommés genguis, qui se rendent exprès dans une bourgade nommée Ozino, sont employés à cette fonction ; ils conduisent les pèlerins l’espace de huit autres lieues, jusqu’au bourg d’Ozaba, où ils les remettent à d’autres bonzes, connus sous le nom de goguis, qui sont les directeurs de ce pèlerinage. Ces deux espèces de bonzes mènent une vie extrêmement pénitente : on ignore dans quels