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DEUXIESME PARTIE.

revivre le caractere de Marot. Car nostre Autheur ne pretend pas que la gloire luy en soit deuë, ny qu’il ait merité non plus de grands applaudissemens du public pour avoir rimé quelques Contes. Il s’est veritablement engagé dans une carriere toute nouvelle, et l’a fournie le mieux qu’il a pû ; prenant tantost un chemin, tantost l’autre, et marchant toujours plus asseurément quand il a suivy la maniere de nos vieux Poëtes, QUORUM IN HAC RE IMITARI NEGLEGENTIAM EXOPTAT, POTIUS QUAM ISTORUM DILIGENTIAM[1]. Mais, en disant que nous voulions passer ce point-là, nous nous sommes insensiblement engagez à l’examiner ; et possible n’a-ce pas esté inutilement ; car il n’y a rien qui ressemble mieux à des fautes que ces licences. Venons à la liberté que l’Auteur se donne de tailler dans le bien d’autruy ainsi que dans le sien propre, sans qu’il en excepte les nouvelles mesme les plus connuës, ne s’en trouvant point d’inviolable pour luy. Il retranche, il amplifie, il change les incidens et les circonstances, quelquesfois le principal évenement et la suite ; enfin ce n’est plus la mesme chose, c’est proprement une Nouvelle Nouvelle, et celuy qui l’a inventée auroit bien de la peine à reconnoistre son propre ouvrage. NON SIC DECET CONTAMINARI FABULAS[2], diront les Critiques.

  1. La Fontaine modifie ici, sans doute par pure politesse, ce passage de Térence:
    Quorum æmulari exoptat neglegentiam
    Potius quam istorum obscuram diligentiam.
    (Andria, prologus v. 20.)
  2. ..... Atque in eo disputant Contaminari non decere fabulas.
    (Ibid. v. 15.)