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DEUXIESME PARTIE.

Pour me flater d’une esperance
De recompense.
Elle en tomba d’accord, promit quelques douceurs,
Convint d’un nombre de faveurs
Qu’afin que la chose fust seure
Cette Princesse luy payroit,
Non tout d’un coup, mais à mesure
Que le voyage se feroit ;
Tant chaque jour, sans nulle faute.
Le marché s’estant ainsi fait,
La Princesse en croupe se met,
Sans prendre congé de son Hoste.
L’inconnu, qui pour quelque temps,
S’estoit défait de tous ses gens,
Les rencontra bien-tost. Il avoit dans sa troupe
Un sien neveu fort jeune, avec son Gouverneur.
Nôtre Heroine prend, en descendant de croupe,
Un palefroy. Cependant le Seigneur
Marche toûjours à costé d’elle,
Tantost luy conte une nouvelle,
Et tantost luy parle d’Amour,
Pour rendre le chemin plus court.

Avec beaucoup de foy le traité s’execute :
Pas la moindre ombre de dispute :
Point de faute au calcul, non plus qu’entre Marchands.
De faveur en faveur (ainsi contoient ces gens)
Jusqu’aux bords de la mer enfin ils arriverent,
Et s’embarquerent.
Cet element ne leur fut pas moins doux
Que l’autre avoit esté ; certain calme, au contraire,
Prolongeant le chemin, augmenta le salaire.
Sains et gaillards ils débarquerent tous
Au port de Joppe, et là se rafraischirent ;
Au bout de deux jours en partirent,
Sans autre escorte que leur train :
Ce fut aux Brigands une amorce :
Un gros d’Arabes en chemin