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CONTES ET NOUVELLES.

Toute seulette.
L’Infante estoit fort prés de là :
Mais il ne la vit point, et crût en asseurance
Pouvoir user de violence.
Sa médisante humeur, grand obstacle aux faveurs,
Peste d’amour et des douceurs
Dont il tire sa subsistance,
Avoit de ce Galant souvent greslé l’espoir.
La crainte luy nuisoit autant que le devoir.
Cette fille l’auroit, selon route apparence,
Favorisé,
Si la Belle eust osé.
Se voyant craint de cette sorte,
Il fit tant qu’en ce pavillon
Elle entra par occasion ;
Puis le Galant ferme la porte :
Mais en vain, car l’Infante avoit dequoy l’ouvrir.
La fille voit sa faute, et tâche de sortir.
Il la retient : elle crie, elle appelle :
L’Infante vient, et vient comme il faloit[1],
Quand sur ses fins la Demoiselle estoit.
Le Galant, indigné de la manquer si belle,
Perd tout respect et jure par les Dieux
Qu’avant que sortir de ces lieux
L’une ou l’autre payra sa peine
Quand il devroit leur attacher les mains.
Si loin de tous secours humains,
Dit-il, la resistance est vaine.
Tirez au sort sans marchander ;
Je ne sçaurois vous accorder
Que cette grace ;
Il faut que l’une ou l’autre passe
Pour aujourd’huy.
Qu’a fait madame ? dit la Belle ;
Pâtira-t-elle pour autruy ?
Oüy, si le sort tombe sur elle,

  1. Edition de 1668 :
    L’Infante vint et vint comme il falloit.