Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
LIVRE NEUVIÉME.

Cependant devant qu’il fust nuit,
Il arriva nouvel encombre.
Un Loup parut, tout le troupeau s’enfuit.
Ce n’estoit pas un Loup, ce n’en estoit que l’ombre.
Haranguez de méchans soldats,
Ils promettront de faire rage ;
Mais au moindre danger adieu tout leur courage :
Vostre exemple et vos cris ne les retiendront pas.




DISCOURS
A MADAME DE LA SABLIERE[1].



Iris, je vous loüerois, il n’est que trop aisé ;
Mais vous avez cent fois nôtre encens refusé ;
En cela peu semblable au reste des mortelles
Qui veulent tous les jours des loüanges nouvelles.
Pas une ne s’endort à ce bruit si flateur.
Je ne les blâme point, je souffre cette humeur ;
Elle est commune aux Dieux, aux Monarques, aux belles.
Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,
Le Nectar que l’on sert au maistre du Tonnerre,
Et dont nous enyvrons tous les Dieux de la terre,
C’est la loüange, Iris ; Vous ne la goustez point ;
D’autres propos chez vous recompensent ce point ;
Propos, agreables commerces,
Où le hazard fournit cent matieres diverses :
Jusque-là qu’en vostre entretien
La bagatelle a part : le monde n’en croit rien.
Laissons le monde, et sa croyance :
La bagatelle, la science,
Les chimeres, le rien, tout est bon : Je soûtiens

  1. Ce discours, dont on a fait la fable I du livre X, se trouve dans l’édition de 1679 à la fin du livre III (IX).