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LIVRE SIXIÉME.

Ce ne fut pas sans bien tourner.
L’un alleguoit que l’heritage
Estoit frayant et rude, et l’autre un autre si.
Pendant qu’ils marchandoient ainsi,
Un d’eux le plus hardy, mais non pas le plus sage,
Promit d’en rendre tant, pourveu que Jupiter
Le laissast disposer de l’air,
Luy donnast saison à sa guise,
Qu’il eust du chaud, du froid, du beau-temps, de la bise,
Enfin du sec et du mouillé,
Aussi-tost qu’il auroit baaillé.
Jupiter y consent. Contract passé ; nostre homme
Tranche du Roy des airs, pleut, vente, et fait en somme
Un climat pour luy seul : ses plus proches voisins
Ne s’en sentoient non plus que les Ameriquains[1].
Ce fut leur avantage ; ils eurent bonne année,
Pleine moisson, pleine vinée.
Monsieur le Receveur fut tres-mal partagé.
L’an suivant voila tout changé.
Il ajuste d’une autre sorte
La temperature des Cieux.
Son champ ne s’en trouve pas mieux.
Celuy de ses voisins fructifie et rapporte,
Que fait-il ? il recourt au Monarque des Dieux ;
Il confesse son imprudence.
Jupiter en usa comme un Maistre fort doux,
Concluons que la Providence
Sçait ce qu’il nous faut, mieux que nous.




X.
LE COCHET, LE CHAT ET LE SOURIÇEAU.



Un Souriçeau tout jeune, et qui n’avoit rien veu,
Fut presque pris au dépourveu.
Voicy comme il conta l’avanture à sa mere.

  1. Des, dans les éditions de 1668 et de 1669.