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part qu’elle avait prise à son affliction, elle lui dit que, pour la détourner de ces tristes pensées, elle voulait l’instruire de tout ce qui s’était passé à la cour en son absence : elle lui conta ensuite plusieurs choses particulières. Mais ce que j’ai le plus d’envie de vous apprendre, ajouta-t-elle, c’est qu’il est certain que M. de Nemours est passionnément amoureux, et que ses amis les plus intimes, non-seulement ne sont point dans sa confidence, mais qu’ils ne peuvent deviner qui est la personne qu’il aime. Cependant cet amour est assez fort pour lui faire négliger ou abandonner, pour mieux dire, les espérances d’une couronne.

Madame la dauphine conta ensuite tout ce qui s’était passé sur l’Angleterre. J’ai appris ce que je viens de vous dire, continua-t-elle, de M. d’Anville ; et il m’a dit ce matin que le roi envoya querir hier au soir M. de Nemours, sur des lettres de Lignerolles, qui demande à revenir, et qui écrit au roi qu’il ne peut plus soutenir auprès de la reine d’Angleterre les retardements de M. de Nemours ; qu’elle commence à s’en offenser, et qu’encore qu’elle n’eût point donné de parole positive, elle en avait assez dit pour faire hasarder un voyage. Le roi lut cette lettre à M. de Nemours, qui, au lieu de parler sérieusement, comme il avait fait dans les commencements, ne fit que rire, que badiner, et se moquer des espérances de Lignerolles. Il dit que toute l’Europe condamnerait son imprudence, s’il hasardait d’aller en Angleterre comme un prétendu mari de la reine, sans être assuré du succès. Il me semble aussi, ajouta-t-il, que je prendrais mal mon temps, de faire ce voyage présentement que le roi