Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/275

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La princesse de Montpensier demeura si troublée, qu’elle fut quelque temps sans revenir à elle. Son premier mouvement fut de faire rappeler le comte de Chabanes, pour lui défendre d’amener le duc de Guise ; mais elle n’en eut pas la force. Elle pensa que, sans le rappeler, elle n’avait qu’à ne point faire abaisser le pont. Elle crut qu’elle continuerait dans cette résolution. Quand l’heure de l’assignation approcha, elle ne put résister davantage à l’envie de voir un amant qu’elle croyait si digne d’elle, et elle instruisit une de ses femmes de tout ce qu’il fallait faire pour introduire le duc de Guise dans son appartement. Cependant, et ce duc et le comte de Chabanes approchaient de Champigni ; mais dans un état bien différent : le duc abandonnait son ame à la joie et à tout ce que l’espérance inspire de plus agréable, et le comte s’abandonnait à un désespoir et à une rage qui le poussèrent mille fois à donner de son épée au travers du corps de son rival. Enfin ils arrivèrent au parc de Champigni, où ils laissèrent leurs chevaux à l’écuyer du duc de Guise ; et, passant par des brèches qui étaient aux murailles, ils vinrent dans le parterre. Le comte de Chabanes, au milieu de son désespoir, avait toujours quelque espérance que la raison reviendrait à la princesse de Montpensier, et qu’elle prendrait enfin la résolution de ne point voir le duc de Guise. Quand il vit ce petit pont abaissé, ce fut alors qu’il ne put douter du contraire, et ce fut aussi alors qu’il fut tout prêt à se porter aux dernières extrémités ; mais, venant à penser que, s’il faisait du bruit, il serait ouï apparemment du prince de Montpensier, dont