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vôtre ! Pourquoi, ne l'aimiez-vous pas ? Il vous adorait ; que lui manquait-il pour être aimable ?

— Mais, reprit doucement Zayde, vous savez bien que j'eusse augmenté vos souffrances, si je l'eusse aimé, et que c'était la chose du monde que vous craigniez le plus.

— Il est vrai, madame, répliqua-t-elle, il est vrai, je ne voulais pas que vous le rendissiez heureux, mais je ne voulais pas que vous lui ôtassiez la vie. Ah ! pourquoi lui ai-je si soigneusement caché la passion que j'avais pour lui ! reprit-elle, peut-être l'aurait-elle touché, peut-être aurait-elle fait quelque diversion de ce fatal amour qu'il a eu pour vous ! Que craignais-je ? Pourquoi ne voulais-je pas qu'il sût que je l'adorais ? La seule consolation qui me reste, c'est qu'il en ait deviné quelque chose. Eh bien ! quand il l'aurait su, il aurait feint de m'aimer et m'aurait trompée ; qu'importe qu'il m'eût trompée comme il avait commencé? Ils sont encore chers à mon souvenir ces moments précieux où il voulut bien me laisser croire qu'il m'aimait. Est-il possible qu'après tant de maux que j'ai soufferts, il m'en restât encore de si grands à souffrir ? J'espère au moins que j'aurai assez de douleur pour n'avoir pas la force de la supporter.

Comme elle parlait ainsi, Consalve parut à la porte de sa chambre qui, croyant qu'elle était dans une autre, venait savoir en quel état elle était revenue de chez Alamir. Il se retira à l'heure même pour ne pas irriter sa douleur par sa présence, mais ce ne put être si promptement, qu'elle ne le vit et que cette vue ne lui fit faire des cris si douloureux, que les coeurs les plus durs en auraient été touchés. Faites en sorte,