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le dépit s'alluma dans son âme et, cessant, pour la première fois, d'être maîtresse d'elle-même :

— Si les ordonnances du ciel et les rigueurs de Zayde, lui dit-elle, ne vous font point perdre l'espérance, je ne sais pas ce qui vous la pourrait ôter.

— Ce serait, madame, répondit le prince de Tharse, de voir qu'un autre eût touché son inclination.

— N'espérez donc plus, répliqua Félime, Zayde a trouvé un homme qui a su lui plaire, et dont elle est aimée. Et qui est ce bien heureux, madame ? s'écria Alamir.

— Un Espagnol, répondit elle, qui ressemble au portrait que vous avez vu. Ce n'est pas apparemment celui pour qui il a été fait et celui dont Albumazar, a prétendu parler, mais, comme vous ne craignez que ceux qui peuvent plaire à Zayde, et non pas ceux qui la doivent épouser, il vous suffit d'apprendre qu'elle l'aime et que c'est la crainte de lui donner de la jalousie qui fait quelle ne veut pas vous voir.

— Ce que vous dites ne peut être, répliqua Alamir, le coeur de Zayde ne se touche pas si aisément. Si quelqu'un l'avait touché, vous ne me le diriez pas, Zayde vous aurait engagée au secret et vous n'avez point de raison qui vous pût obliger à me l'apprendre.

— Je n'en ai que trop, répliqua-t-elle, emportée par sa passion, et vous... Elle allait continuer, mais tout d'un coup la raison lui revint, elle vit avec étonnement tout ce quelle venait de dire, elle en fut troublée, elle sentit son trouble, cette connaissance redoubla son embarras, elle demeura quelque temps sans parier et quasi hors d'elle-même, enfin elle jeta les yeux sur Alamir et, croyant voir dans les siens qu'il démêlait une partie de la vérité, elle fit un effort et