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accablée, qu'il me semblait que mes maux ne pouvaient plus augmenter, mais la fortune m'exposa à une sorte de douleur plus cruelle que tout ce que j'avais encore senti.

Quelques jours après que Mulziman m'eut raconté les aventures d'Alamir, j'en parlais avec Zayde, et je faisais de si tristes réflexions sur la cruauté de ma destinée, que mon visage était tout baigné de mes larmes. Une des femmes de Zayde passa dans le lieu où nous étions et laissa la porte ouverte, sans que je m'en aperçusse. Il faut avouer que je suis bien malheureuse, disais-je à Zayde, de m'être attachée à un homme si indigne en toutes façons des sentiments que j'ai pour lui. Comme j'achevais ces paroles, j'entendis quelqu'un dans la chambre ; je crus que c'était cette même femme qui venait de passer, mais à quel point fus-je surprise et troublée, quand je vis que c'était Alamir et qu'il était si près de moi que je ne pus douter qu'il n'eût entendu mes dernières paroles ! Mon trouble et les larmes qui roulaient sur mon visage, m'ôtaient tous les moyens de lui cacher que ce que je venais de dire ne fût véritable. Les forces me manquèrent, je perdis la parole, je souhaitai la mort, enfin je me sentis dans le plus violent état où une personne se soit jamais trouvée. Pour achever la cruauté de mon aventure, la princesse Alasinthe arriva, suivie de plusieurs dames qui se mirent à parler avec Zayde ; en sorte que je demeurai seule avec Alamir. Ce prince me regarda avec un air qui témoignait de la crainte, d'augmenter l'embarras où il me voyait. J'ai bien du déplaisir, madame, me dit-il, d'être