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nombre qu’ils étaient contre lui seul et l’impossibilité de ne pas obéir : Consalve ne le voyait que trop, mais il trouvait un si grand malheur d’être conduit à Léon, qu’il ne pouvait s’y résoudre : Zayde, qu’il venait de retrouver et qu’il allait perdre, était le comble de son désespoir, et il parut en un si étrange état que l’officier de don Garcie s’imagina que la pensée des mauvais traitements qu’il attendait de ce prince, lui donnait cette grande répugnance à l’aller trouver. Il faut, seigneur, lui dit-il, que vous ignoriez ce qui s’est passé à Léon depuis quelque temps pour craindre, autant que vous le faites, d’y retourner. J’ignore toutes choses, répondit Consalve, je sais seulement que vous me feriez plus de plaisir de m’ôter la vie que de me conduire au prince de Léon. Je vous en dirais davantage, répliqua Oliban, si ce prince ne me l’avait expressément défendu, mais je me contente de vous assurer que vous n’avez rien à craindre. J’espère, répondit Consalve, que la douleur d’être conduit à Léon, m’empêchera d’y arriver en état de satisfaire la cruauté de don Garcie. Comme il achevait ces paroles, il revit la barque de Zayde, mais il ne vit plus son visage, elle était assise et tournée du côté opposé au sien. Quelle destinée que la mienne, dit-il en lui-même ! Je perds Zayde dans le même moment que je la retrouve. Quand je la voyais et que je lui parlais dans la maison d’Alphonse, elle ne pouvait m’entendre. Lorsque je l’ai rencontrée à Tortose, et que j’en pouvais être entendu, je ne l’ai pas reconnue ; maintenant que je la vois, que je la reconnais et qu’elle pourrait m’entendre, je ne saurais lui parler et je n’espère plus