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marques de ces soupçons qui ont fait tous nos malheurs. Adieu, Alphonse, souvenez-vous quelquefois de moi, et souhaitez, pour mon repos, que je ne me souvienne jamais de vous


Il ne manquait plus à mon malheur que d'apprendre que Bélasire m'aimait encore, qu'elle se fût peut-être redonnée à moi sans le dernier effet de mon extravagance, et que le même accident qui m'avait fait tuer mon meilleur ami me faisait perdre ma maîtresse et la contraignait de se rendre malheureuse pour tout le reste de sa vie.

Je demandai à celui qui m'avait apporté cette lettre où était Bélasire ; il me dit qu'il l'avait conduite dans un monastère de religieuses fort austères qui étaient venues de France depuis peu, qu'en y entrant elle lui avait donné une lettre pour son père et une autre pour moi ; je courus à ce monastère, je demandai à la voir, mais inutilement. Je trouvai le comte de Guevarre qui en sortait ; toute son autorité et toutes ses prières avaient été inutiles pour la faire changer de résolution. Elle prit l'habit quelque temps après.

Pendant l'année qu'elle pouvait encore sortir, son père et moi fîmes tous nos efforts pour l'y obliger. Je ne voulus point quitter la Navarre, comme j'en avais fait le dessein, que je n'eusse entièrement perdu l'espérance de revoir Bélasire, mais le jour que je sus qu'elle était engagée pour jamais, je partis sans rien dire. Mon père était mort, et je n'avais personne qui me pût retenir. Je m'en vins en Catalogne, dans le dessein de m'embarquer et d'aller finir mes jours dans les déserts de l'Afrique. Je couchai par hasard dans cette maison ; elle me plut, je la trouvai