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A Soissons ourent l’autre Chanoines Reguliers,
Oi n’y sont mais ([1]) que Clercs et Pretres seculiers ;
Le lieu est appellé à Ste Magdeleine-
Du-Mont ; c’est belle église dévote et de biens pleine.

Ger. de Rouss. MS. p. 175 et 176.

Cette même préposition, employée pour De, servoit à former des qualificatifs-adjectifs ; et l’on disoit " Est du poil à un cerf " pour Est du poil de cerf. (Voy. Modus et Racio. ms. fol. 39. V°.)

Quelquefois elle signifioit Par.

Se fuisse pris à paiens,
Puis eusse été raiens ([2])

Will. li Viniers, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1278.

Dans ce sens, c’est la préposition latine A ou Ab. « Apreneiz à mi » pour apprenez par moi : en latin, discite à me. (St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 123.) « Ensi ke nos mansuetume ([3]) et humiliteit aprengniens à Nostre Signor. » (Ibid. p. 256.)

Quelquefois on l’employoit pour En ; ainsi l’on disoit « à daerrains » pour en dernier lieu, enfin. (Voy. Du Chesne, Gén. de Béth. Pr. p. 115, tit. de 1145.) « Huict mille livres à tournois » pour huit mille livres en tournois. (Voy. Froissart, Vol. I, p. 177.) « Livres à Digenois » pour en monnoye de Dijon. (Voy. Pérard, H. de Bourg, p. 466, tit. de 1246, passim.) « Livrées à forts » pour livres en monnoie forte. (Voy. Du Chesne, Gén. de Bar-le-Duc, Pr. p. 28, tit. de 1243.) « à bonne foy » pour en bonne foy. (Id. Gén. de Béth. p. 135, tit. de 1252.)

A dans la signification de Pour, exprimoit un rapport de tendance, de cause finale. « Quan vous creastes homme, vous le mariastes, et lui donnastes ame à son epouse, » pour son épouse « et étoit homme Seigneur, et l’âme étoit dame, etc. » (Voy. Modus et Racio, ms. fol. 210, R°.)

C’est dans ce même sens qu’on l’employoit dans la conjugaison des futurs formés anciennement des verbes auxiliaires Avoir et Etre ; et alors cette préposition emportoit l’idée d’un temps à venir. On disoit « sont à ressusciter » sont pour ressusciter, ressusciteront. « Est à venir » est pour venir, doit venir. « Sont à rendre » doivent rendre. (Voy. St Athan. Symb. en Fr. 2e trad. p. 735, col. 2.) En supposant une ellipse, il faut rendre sont à ressusciter, par sont faits pour ressusciter. On disoit de même, " En seureté de la devant dite concorde perpetueument à durer. » (Voy. Du Chesne, Gén. de Béth. Pr. p. 146.) Les Italiens employent de la même façon les verbes Avere et Essere, comme auxiliaires, avec les prépositions a, da et per, pour former les futurs des verbes auxquels ils sont joints.

On pourroit encore, au moyen de l’ellipse, rendre raison de la construction grammaticale de ces expressions « Faire à mettre ; » c’est-à-dire faire chose pour mettre, faire mettre. (Voy. Pérard, H. de Bourg. p. 446. tit. de 1246). « Se faire à veoir, » pour se montrer. (Vigil. de Charles VII, p. 97.) Pasquier, dans ses Lettres, T. II, p. 380, reprochant à Montaigne d’avoir employé fréquemment l’A de cette manière, observe que c’est un idiome propre aux Gascons : mais cet usage étoit plus général et fort ancien, comme on vient de le voir ; celui de notre expression faire à savoir, remonte jusqu’au douzième siècle. On lit « fesons à savoir. » dans La Thaumass. Cout. d’Orl. p. 464, tit. de 1137.

Les prépositions Por et De, dans le sens de pour, se trouvent aussi réunies à la préposition à prise dans la même signification, par une espèce de pléonasme, dans les exemples suivans. « Por ti à salveir, Por eles à saneir » pour te sauver, pour les guérir. (Voy. St Bern. Serm. Fr. mss. p. 148, et passim.) « Poosteit de nos à salveir, volenteit de nos à salveir ; » c’est-à-dire, pouvoir et volonté de nous sauver. (Ibid. p. 218.)

A pour avec, marquoit un rapport d’union. « à peu de gens » c’est-à-dire, avec peu de gens. (Voy. Rabelais, T. II, p. 222.)

Un rapport de cause instrumentale dans cet autre passage : « à leurs espées » c’est-à-dire avec leurs épées. (Voy. Joinville, p. 94.)

Nous nous servons encore d’A pour avec, dans cette phrase « prendre à la main » c’est-à-dire prendre avec la main.

Dans le sens de selon, suivant, il exprime un rapport de conformité « Vendition fait à loy et à le costume del païs. » Vente faite suivant la Loi et selon la Coutume du pays. (Voy. Du Chesne, Gén. de Guines, p. 290, tit. de 1264.)

On a considéré le temps comme un lieu. De là, la préposition A pour marquer la postériorité de temps, dans le sens d’après. « Lui pryoient tendrement que incontinent qu’il sçauroit nouvelles de la venue de cette nouvelle Loy, qu’il leur amenast ung preud’homme qui de ce les informast, car à ce ne vouloit plus vivre. " (Percef. Vol. VI, fol. 118, V° col. 2.)

En général, l’A, comme préposition, a été réuni à divers mots, pour ajouter à leur signification : On écrivoit quelquefois Ad. (Voy. ce mot.) Alors c’est proprement l’ad des Latins, dont on a retranché le d pour adoucir la prononciation ; ainsi on disoit autrefois buser, masser, etc. et l’on a dit depuis abuser, amasser, etc. Ce Glossaire en fournira quantité d’exemples. Voyez entr’autres l’article Abandon.

Souvent le d s’est changé en la consonne qui commençoit le mot, dont la préposition ad est devenue inséparable. De là ces mots complir, coutumer, etc. ont formé ceux de accomplir, accoutumer, etc. au lieu de ad-complir, ad-coutumer.

Cette addition sembloit donner plus de force au mot, mais n’en changeoit pas l’acception ; aussi s’est-on permis indifféremment de retrancher cet A, comme de l’ajouter ; et l’on dit aujourd’hui béqueter, cacher, etc. au lieu d’abequeter, acacher, etc. que l’on trouve quelquefois chez nos anciens écrivains. Voy. ces articles ci-après.

La préposition A s’est aussi trouvée quelquefois

  1. aujourd’hui il n’y a plus.
  2. racheté.
  3. douceur