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« En réunissant sous un même point de vue dans l’ordre alphabétique, les vieux mots épars dans un grand nombre d’Auteurs de tous les âges, j’ai voulu représenter fidèlement notre ancienne Langue. Il m’a donc paru nécessaire de l’étudier dans tous ses rapports, et dans toutes les variétés, pour me déterminer sur le choix des mots que je devois faire entrer dans cette collection, ou que je pouvois en exclure. »

Dans ces quelques lignes, La Curne de Sainte-Palaye expose le plan de son Dictionnaire. Son modèle a été Du Cange, et nous pouvons dire que s’il ne l’a pas dépassé, du moins il l’a égalé. Il prend chaque mot de notre ancien français à son origine, il en donne l’étymologie, l’histoire, l’explication, et le fait suivre de nombreux extraits d’anciens auteurs, poètes ou prosateurs qui l’ont employé.

Non-seulement on suit ainsi chaque mot à travers les siècles, mais les citations font connaître, de la manière la plus exacte, les diverses acceptions dans lesquelles le mot a été pris. Cette méthode est excellente et ne laisse aucun doute dans l’esprit sur la signification vraie et réelle des mots de notre ancien français.

Le Dictionnaire historique de La Curne de Sainte-Palaye comprend les grandes divisions suivantes :

SIGNIFICATION PRIMITIVE ET SECONDAIRE DES VIEUX MOTS.
VIEUX MOTS EMPLOYÉS DANS LES CHANTS DES TROUVÈRES.
ACCEPTIONS MÉTAPHORIQUES OU FIGURÉES DES VIEUX MOTS FRANÇAIS.
ETYMOLOGIE DES VIEUX MOTS.
ORTHOGRAPHE DES VIEUX MOTS.
CONSTRUCTIONS IRRÉGULIÈRES DE TOURS DE PHRASES DE L’ANCIENNE LANGUE.
ABRÉVIATIONS; ÉTUDES SUR LES ÉQUIVOQUES QU’ELLES PRÉSENTENT DANS LES ANCIENS AUTEURS.
PONCTUATION; DIFFICULTÉS QU’ELLE PRÉSENTE.
MOTS DONT LA SIGNIFICATION EST INCONNUE.
PROVERBES QUI SE TROUVENT DANS NOS POÈTES DES XIIe, XIIIe ET XIVe SIÈCLES.
NOMS PROPRES ET NOMS DE LIEUX CORROMPUS ET DÉFIGURÉS PAR LES ANCIENS AUTEURS.
MOTS EMPRUNTÉS AUX LANGUES ÉTRANGÈRES.
USAGES ANCIENS.

Ce beau et magnifique monument de notre ancienne langue est-il destiné à rester à l’état de manuscrit ? Doit-il continuer à n’être à la portée que d’un petit nombre de privilégiés ? Nous ne le pensons pas ; nous croyons que le moment est venu de publier ce vaste recueil si précieux pour l’étude de notre langue.

Il est aussi une considération de la plus haute importance qui nous engage à entreprendre cette publication. Le feu a détruit une grande quantité de manuscrits dont le monde savant déplore la perte. La Commune de Paris, en 1871, n’avait-elle pas voué aux flammes les trésors que renferme la Bibliothèque nationale ? Si Paris n’eût pas été arraché, aussi rapidement, des mains des gens de la Commune, nous n’aurions plus la possibilité de consulter le Dictionnaire historique de Sainte-Palaye. Cette œuvre immense aurait été, comme beaucoup d’autres trésors d’érudition, perdue à tout jamais pour le monde savant.