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introduction, § x.

tions : J’ai perdu la ville ? — Qui me l’a enlevée ? — Les comtesses sont-elles au château ? — Où était Gui mon frère ? — Puis, pour terminer le tout, cette simple recommandation : « Mon ami, tâche de garder le secret, car si personne te voyait faire autre chose que rire et plaisanter, je te ferais brûler, pendre ou couper en morceaux. Et si on te demande des nouvelles, sache te bien expliquer ; dis que personne n’ose envahir ma terre[1]. » Puis le comte Simon rassemble « les princes et tous les pairs », c’est-à-dire sans doute les principaux de ses partisans et des seigneurs du pays où il se trouvait — dans les environs de Valence, — les trompe sur l’état de ses affaires, conclut son traité avec Adémar et se met en route, la nouvelle de l’insurrection de Toulouse ne s’étant répandue que lorsque l’effet n’en était plus à redouter.

Il est certain que les paroles qui ont dû être échangées entre Simon et le messager ne peuvent guère être parvenues aux oreilles du poète, qu’elles ont été imaginées par lui, comme du reste les discours qu’il met si fréquemment dans la bouche de ses personnages — je présenterai plus loin quelques remarques sur ces discours ; — mais le fait même que Simon ait cherché à dissimuler le plus longtemps possible les mauvaises nouvelles qu’il venait de recevoir pourrait, a priori, en l’absence de tout témoignage, être supposé. Cela admis, et étant connues l’énergie et la prompte décision de Simon, il faut reconnaître que la scène du messager a été conçue dans les données de la vraisemblance.

Simon de Montfort marche sur Toulouse avec cette rapidité à laquelle, l’année précédente, après la levée du siège de Beaucaire, il avait dû un succès si complet. Mais les

  1. V. 6140-72.