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croisade contre les albigeois.

mes hommes, pris et marris ; ils me font signe qu’ils vont périr [4225] et le cœur me fend de ne les pouvoir secourir. Mais, je vous le dis pour certain, puisqu’ils (mes ennemis) m’ont fait échec, si je les trouve en bataille, ce sera vite décidé, car j’aime mieux livrer bataille que me laisser honnir de la sorte. » Et les barons répondent : « Nous sommes tous engagés envers vous : [4230] nous devons donc obéir à vos ordres. »

Cependant le vaillant jeune comte a fortifié le portail[1], avec les barons de la terre, les chevaliers bannis, les sergents, les archers, bien armés et couverts. Rostan de Carbonières[2] leur dit : [4235] « Barons, nous avons tous pris un engagement : c’est que tout fuyard sera regardé comme traître à son seigneur. Donc, que l’on prenne garde d’avoir revêtu le mauvais chapeau[3]. » Bertran d’Avignon dit : « En bref

  1. Le portail de la Vigne ou celui de la Croix ; voy. p. 244 n. 4 et 255 n. 4.
  2. Ce personnage figure dans une charte datée de Tarascon, février 1209 (n. s.), comme bailli du comte de Provence pour l’Autavès, territoire voisin de Tarascon ; voyez le texte de cette charte, Romania, II, 431. Il paraît encore dans un acte de la même année publié par Papon, Hist. de Prov. II, pr. n° XXXVI.
  3. Fauriel traduit : « que chacun prenne garde à ne point se couvrir de mauvais heaume, » mais je pense que mal capel est pris en un sens métaphorique, par allusion à l’usage de faire porter un chapeau ou guirlande d’une certaine nature à certains condamnés ; on voit, par ex., dans le Registre criminel du Châtelet p. p. M. Duplès-Agier (I, 305), des voleurs de raisins exposés au pilori « ayans environ leurs testes chappeaulx de vignes. » C’est ainsi qu’on disait « avoir acquis un mauvais chapeau » (Le Roux de Lincy, Livre des Proverbes, II, 160), pour « avoir une mauvaise réputation » ; (l’expression « faire porter le chapeau rouge » (ibid.),